Depuis
mon plus jeune âge les images ont été pour moi
une source de plaisir. Tout d'abord le dessin
a été ma première passion et je reproduisais les
images qui me plaisaient. Parallèlement, je voyais
mon père prendre des photographies sur différents
sujets, et bien souvent avec un talent reconnu
par tout son entourage et même aussi par quelques
photographes professionnels. Ce passe-temps de
mon père est devenu au fil des ans une véritable
passion pour lui, et la simple prise de vues s'est
vite étendue au développement complet des négatifs
et des tirages papiers au moyen d'un agrandisseur
racheté à un photographe local. C'est devant cet
agrandisseur et aussi derrière l'objectif de l'un
de ses appareils photo qu'il a su me transmettre
sa passion pour la photographie.
J'avais
tout juste quatorze ans lorsque j'ai éprouvé ma
première fierté de photographe amateur suite à
l'affichage de l'une de mes prises de vues dans
la vitrine du photographe attitré de mon père.
Je revois encore mentalement ce tirage en noir
et blanc en 30 x 40 cm représentant deux chevaux
sous un arbre en hiver. La forme des branches
de l'arbre se découpant sur le ciel hivernal formait
une belle harmonie avec la posture des deux chevaux
qui semblaient nous attendre paisiblement là
juste pour que nous puissions les admirer et les
immortaliser sur la pellicule de notre appareil.
Objectivement, ce cliché n'est sans doute pas
aussi extraordinaire que la manière dont je m'en
souviens, mais il représente bien plus qu'une
simple image pour moi. En effet, il contient toute
l'émotion que j'avais ressentie lors de cette
promenade à la campagne faite en compagnie de
mon père et qui nous avait conduits vers le parc
de ces chevaux.
J'ai alors compris ce qu'il est possible de retrouver
dans une image, et que même si le photographe
est derrière l'appareil lors de la prise de vue,
c'est lui qu'on voit en premier sur chacune de
ses photographies. C'est certainement la principale
raison pour laquelle j'aime tant les photographies
de mon père, non pas par chauvinisme familial
mais plutôt par lien sentimental . Bien sûr, on
ne voit que rarement son visage ou sa silhouette
sur ses clichés, mais, lorsqu'on regarde l'une
de ses photographies, l'image projetée sur notre
rétine est la réplique presque exacte de celle
qui fut projetée sur sa propre rétine à un moment
si important pour lui qu'il a voulu en garder
la trace sur la pellicule. Chaque image cache
donc l'une de ses émotions et nous dit ce qu'il
aime, ce qu'il veut partager, ou bien au contraire
ce qu'il voudrait changer et qu'il veut dénoncer.
Ce qui l'indiffère n'est pas montré car naturellement
il ne l'a pas photographié. C'est par cette mise
en relief de ses moments d'émotions passés que
j'arrive à me mettre un instant à sa place, et
d'une certaine façon à revivre une partie de sa
propre vie comme s'il me la racontait lui-même.
